Un pavé
dans la mare...
Volley
and Bayonet
à la mode marengo
Par Antoine Bourguilleau
Volley and Bayonet est une règle américaine. Volley
and Bayonet permet de rejouer des batailles entières. Volley
and Bayonet est une bonne règle. Pourtant, personne, presque
personne ne joue à Volley and Bayonet en France. Tentative
d'explication.
Du taylorisme wargamique
Comment un concepteur de règle anglais procède-t-il?
Il fait comme Phil Barker : il part du principe qu'un pas mesure
environ 0,75m. Et, de là, il déroule son système.
Les Américains sont cons. Mais des cons rusés. Des
cons qui savent qu'ils le sont et ont donc décidé
que le meilleur moyen de s'en sortir dans ce bas-monde, quand on
est con, c'est d'être organisé. Alors comment un Américain
écrit-il une règle de wargame? Avec un cahier des
charges : ce qui est percerptible dans Volley and Bayonet (comme
dans Napoléon's Battles) c'est que les auteurs se sont fixé
un cahier des charges et qu'ils s'y sont tenu :
- Simuler des batailles pas des bouts de batailles (parce que
c'est pour ça qu'on est là, non?).
- Jouer avec beaucoup de figurines (parce que c'est le pied!).
- Les poser sur un espace à taille humaine, avec des tables
pas trop grandes (mais dépassant le classique 1,20 sur
1,80 - aux USA on a de la place pour mettre ses coudes).
- Terminer la partie en une après-midi et avoir assez
de temps après pour rigoler avec les potes (et boires des
Bud devant la finale du superbowl [quand on vous disait qu'ils
sont cons!]).
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Artwork : Cossack
II : Napoleonic War
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Concrètement, en l'espèce, ça veut dire quoi
se tenir à son cahier des charges? Ca veut tout simplement
dire que toutes les finesses qui ne permettent pas de joueur stratégique
(1), doit réduire le nombre de soldats de plomb (2), allonge
inutilement les distances (3) ou le temps de jeu (4), ça
part la la jaille.
Dans Volley and Bayonet, par exemple, les unités
n'ont pas de formation. Pourquoi ? Parce que le général
de brigade ou le colonel qui la commande (selon l'échelle)
n'est peut-être pas arrivé là totalement par
hasard ! Et que si vous voulez jouer une bataille comma Waterloo,
dans les bottes de Napoléon ou de Ney, votre rôle est
de donner des ordres, pas de vous assurer qu'ils sont exécutés
dans le moindre détail et que la compagnie de voltigeur du
2e bataillon du 37e de ligne est bien à sa place. Alors bien
sûr, on y perd en finesse tactique. Mais de quoi parle-t-on?
Quand on joue stratégique, hélas, la finesse tactique,
c'est pas le sujet. Mais les raisons du non-succès de cette
règle tiennent à d'autres considérations.
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Du syndrome napoléonien.
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Pour une raison qui nous échappe, la période est
celle des chapelles. Les règles foisonnent littéralement.
Et il en sort des dizaines chaque année. On revient pourtant
de loin. J'ai commencé dans les années 1980, avec
la Newbury. Pas la FastPlay. La bonne vieille Newbury:
souvenez-vous, les mouvements semi-simultanés par quarts
de périodes, les tests de moral et d'élan par dizaines,
les tables de pertes au gugusse près qu'il fallait ensuite
convertir en figurines.. Quel bonheur... quel ennui et quelle merde,
oui !
Il n'en demeure pas moins que le nombre de joueurs ayant écrit
"la meilleure règle sur la période" continue
de s'enrichir chaque année, pour le grand bonheur, généralement,
de leur fils et de leur chien. Je ne parle évidemment même
pas des fameuses règles entrant dans la catégorie
brillament décrite par les auteurs du jeu de röle Pandemonium
dans les années 1990, celle des VCRFARP (Very Complicated
Rules For Anal Retentive Players)
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Résumé de l'évolution des règles napoléoniennes
: on est passé du maniement de la compagnie dans les années
1970 (unité référence, ayant encore sa propre
personnalité) à l'introduction ô combien révolutionnaire
du bataillon en tant qu'entité à la fin des années
1980 (en ayant perdu les fans de règles telles que "To
the sounds of the Guns", sans doute décédés
d'un oedème à l'anus en apprenant qu'existaient des
règles où l'on ne peut détacher sa compagnie
de tirailleurs pour lui faire effectuer des conversions par quart
de période) voir aujourd'hui, avec POW, le régiment
(force sortie de crucifix) à la fin des années 1990.
Malraux l'avait bien dit : "le XXIe siècle se jouera
par quart de périodes où sinon ça sera le bordel"
(je cite de mémoire).
Autre part du problème : le monde napoléonien est,
pour une raison que j'ignore, celui des grincheux. Celui où
le vieux barbon explique avec un air suffisant au novice que les
pattes de parements du régiment de grenadiers du Mecklembourg-La
Reine sont garance et pas cramoisis et qu'il peut donc aller se
rhabiller avec ses figurines fraîchement peintes en 6 mm.
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Enfin, et surtout, on entre en Empire comme on entre
en religion. Chacun a une idée très précise
(et souvent erronée, comme le rappellent parfois sur les
listes dédiées certains amateurs) de la période,
et de ce que les Anglais appellent the flavor, ces petits
rituels qui font que le joueur se sent bien, à l'impression
d'y être : Déployer proprement sa ligne, bien mettre
ses compagnies en carré (avec les compagnies d'élite
au bon endroit SVP), tester son moral trois fois, s'assurer que
le général von Krau a bien compris son ordre de soutien
sur zone de la brigade von Loose si elle capture le petit pont,
pas celui-là l'autre, sans se faire un claquage du cervelet
et surtout, surtout, surtout, s'étaler sur toute la table...
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Figurines peintes par Bertrand Mangez
Photo Guillaume Fremont :
http://zoom13.club.fr/
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Du syndrome en général
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Où le wargamer se sent-il le plus chez lui? Sur ses toilettes!
Car c'est là qu'il peut, des heures durant, triturer son
livret de listes d'armées préféré
pour trouver la combo qui tue, le mélange qui arrache et
va couper les poils des armées adverses sans qu'ils ne
repoussent. Durant des années, à cause de ce syndrome,
je fus dans mon ancien club l'objet de convoitises éhontées
lorsque l'on s'attelait à simuler une bataille historique
: j'étais le seul à disposer d'infanterie de ligne
à foison et de régiments de chasseurs à cheval
(neuf au total). A eux cinq, mes camarades disposaient de six
régiments de carabiniers et d'une vingtaine de régiments
de cuirassiers... Ah, mes amis, si Napoléon vous avait
eu comme sergents recruteurs, que de grandes choses n'eut-il pas
accompli !
Et c'est pour ça qu'une règle comme Volley and
Bayonet ne marche pas.
Car a Volley and Bayonet, il n'y a pas de système
de budget.
Car l'infanterie comme la cavalerie n'ont pas de formations :
si vos résultats de combat sont catastrophiques, c'est
peut-être que le colonel ne connaissait pas si bien son
métier que ça.
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Car l'infanterie se déplace de 16 pouces par
tour, la cavalerie de 24 pouces, et que c'est beaucoup, beaucoup,
beaucoup trop pour des joueurs qui déplacent leurs régiments
en colonne de route de 20 cm par tour. Que les unités ne
restent pas scotchées au corps à corps, car quand
on en vient aux mains, rapidement, un des deux camps plie les gaules.
Qu'il n'y a pas de système d'ordre. Que les unités,
une fois engagées, ont une durée de vie opérationnelle
très limitée. Qu'une fois qu'elles se sont faites
rosser une fois, elles n'y reviennent plus. Et qu'au vu de la vitesse
de déplacement, vous êtes dans l'obligation de disposer
de réserves, car sinon vous êtes un homme mort. En
clair : c'est pas rassurant et ça va trop vite, beaucoup
trop vite. Car à Volley and Bayonnet, on peut se faire
marcher dessus à Austerlitz en trois tours de jeu. Soit trois
heures. Soit le temps qu'il fallut à Napoléon pour
l'emporter.
Alors vous allez me dire "t'es bien mignon de
nous faire la morale sur les gars qui promeuvent leurs règles,
mais c'est ce que tu fais toi même". Certes, mes amis,
mais je suis le rédacteur en chef de ce magazine et je vous
em... ! Plus sérieusement, je voudrais vous dire ceci : J'ai
36 ans, deux enfants et un travail. Me taper des tartines de pages
de règles, ça m'amusait quand j'étais ado,
que j'avais pas d'enfants et que je dormais tout seul. Je pense
ne pas être le seul dans ce cas. Et je n'ai pas davantage
envie de me prendre le chou à mesurer au millimètre
le mouvement de quatre-vingt-dix plaquettes tous les vendredi soirs
au club. Et surtout, je ne dirais pas cela si je n'avais pas le
sentiment -assez désagréable - que ce hobby est en
train de périr à petit feu et qu'il a besoin de règles
simples et conviviales, sans quoi nous allons bientôt entrer
au musée (au mieux) mais peut-être surtout dans les
poubelles de l'histoire. Volley and Bayonet ou Maréchal
de l'Empire, ou Napoléon's battles ou la Grande
Armée ou POW sont autant de règles qui
me semblent aller dans le bon sens, séduire un large public.
Bien sûr, la FFJH n'aura jamais autant de licenciés
que la FFF, mais je crois qu'il est temps de s'ouvrir, et vite,
sans quoi nous allons disparaître. </coup de gueule>
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